J’ai interviewé Maître Hoonakker

J’ai interviewé un grand parmi les grands : Maître Hoonakker.

Claire Michel : Dans l’hypothèse peu probable qu’un élève commissaire de justice ne vous connaisse pas, auriez-vous la gentillesse de vous présenter s’il vous plaît ?

Philippe Hoonakker : Je voudrais d’abord préciser, pour donner de l’espoir aux étudiants qui seraient dans la même situation, que d’origine très modeste, j’ai fait toutes mes études universitaires en qualité de salarié à temps plein. Pendant les deux premières années, j’étais ouvrier dans une imprimerie où je faisais les 3×8, puis surveillant dans des collèges et lycées ce qui m’a permis alors de suivre au moins les cours magistraux dans les matières d’écrit. Pour les autres, je travaillais dans les manuels recommandés par les enseignants à partir de leurs plans de cours.

Maître Hoonakker – Photo www.racine.eu 

Je suis avocat au barreau de Strasbourg où j’exerce en qualité d’associé-gérant dans un cabinet pluridisciplinaire dénommé « RACINE ». Parallèlement je suis professeur à l’Université de Strasbourg où j’enseigne actuellement les procédures (civile, civiles d’exécution et collectives) ainsi que les baux immobiliers (droit commun et commerciaux). En plus de mes enseignements, je dirige le Master 2 de droit notarial et assume les fonctions de président de la section de droit privé et de directeur-adjoint du Centre de droit privé fondamental.

Pendant les années 2010 à 2016, j’ai été membre titulaire du jury de l’examen professionnel d’huissier de justice. Ce fut une expérience très enrichissante qui m’a permis de découvrir de l’intérieur ces professionnels chargés au quotidien de la mise en œuvre de la matière au cœur de mes enseignements et de mes recherches : les procédures civiles d’exécution, autrefois appelées les voies d’exécution.

Claire Michel : Vous êtes l’auteur du livre de référence « Procédures civiles d’exécution – Voies d’exécution, Procédures de distribution » aux éditions Larcier, collection Paradigme. Pourquoi avoir écrit un livre sur cette matière ?

Philippe Hoonakker : J’ai toujours été passionné par la question de l’effectivité du droit qui suppose notamment que le droit dit par le juge puisse entrer dans les faits au profit des parties intéressées. C’est ainsi que j’avais déjà consacré ma thèse à l’exécution provisoire qui permet de recourir à l’exécution forcée nonobstant la voie de recours suspensive ouverte. Puis grâce au Recteur Serge Guinchard, j’ai participé notamment à la rédaction de deux ouvrages collectifs de la collection Dalloz action (Droit et pratique de la procédure civile et Droit et pratique des voies d’exécution) et j’ai participé à la refonte de l’ancienne Revue des huissiers de justice, devenue Droit et procédures à l’initiative du Président Bernard Menut, où j’ai pu rédiger de nombreux commentaires sur les procédures civiles d’exécution.

C’est donc tout naturellement que j’ai accepté en 2010 la proposition de M. Legrand, fondateur des éditions Paradigme, de rédiger un ouvrage sur les procédures civiles d’exécution. Entre-temps cette maison d’édition a été rachetée par Larcier-Bruylant qui m’a maintenue sa confiance et m’a ainsi permis d’en arriver à la 8e édition de ce manuel (NDLR : 11ème édition actuellement). Il ne s’agit pas d’un simple cours car fort de l’expérience de mes années d’étude, j’ai souhaité aller plus loin pour enrichir la réflexion, notamment au travers d’encadrés qui exposent des controverses ou traitent de difficultés pratiques particulières ainsi que de références doctrinales et jurisprudentielles tenues à jour annuellement.

Claire Michel : Pourriez-vous s’il vous plaît présenter la nouvelle édition de votre livre, en évoquant quelques nouveautés y figurant ?

Philippe Hoonakker : Depuis l’origine, j’ai souhaité aborder non seulement les mesures d’exécution traditionnelles en matière mobilière et immobilière, mais aussi les saisies spéciales de créances monétaires moins souvent traitées : demande de paiement direct de la pension alimentaire, avis à tiers détenteur, oppositions et saisie à tiers détenteur, opposition administrative et saisie de créance simplifiée. Ainsi dans la 8e édition en cours de parution, je présente la saisie administrative à tiers détenteur instituée par l’article 73 de la loi de finances rectificative pour 2017 qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019. Elle se substituera à toutes les saisies spéciales actuelles réservées au recouvrement forcé de créances publiques de sorte qu’il ne subsistera plus que cette saisie spéciale ainsi que la demande de paiement direct et l’opposition à tiers détenteur pour les créances de sécurité sociale. Cette présentation est limitée pour l’instant aux dispositions législatives car le décret d’application ne paraîtra vraisemblablement pas avant la fin de l’année. Mais il est fort probable qu’il conservera certaines des particularités des saisies remplacées de sorte qu’il faudra distinguer selon la nature de la créance publique à recouvrer. Autrement dit, la saisie nouvelle devrait réaliser une sorte de synthèse de toutes les saisies spéciales remplacées. La 9e édition qui paraîtra l’année prochaine sera l’occasion de compléter cette présentation par le décret d’application à venir.

Claire Michel : Quelles sont les attentes des membres du jury de l’examen professionnel d’huissier de justice concernant l’épreuve orale ? Quels sont vos meilleurs conseils pour les candidats ?

Philippe Hoonakker : A une épreuve orale, tout particulièrement de l’examen professionnel d’huissier de justice, il faut soigner tant la forme que le fond.

Il faut par son comportement témoigner de son aptitude à l’exercice d’une profession aussi sensible, voire difficile, au niveau des relations humaines notamment. Il faut donc se montrer respectueux à l’égard des membres du jury, ne jamais oublier de les saluer par leurs titres avant de s’asseoir à l’invitation du président, puis garder la maîtrise de soi, même et surtout dans la difficulté.

Car au fond, il peut arriver que l’on ignore la réponse à une question posée, et ce d’autant plus que la réponse peut être plurielle. Le droit n’est pas une science exacte, mais une science humaine, une science de la persuasion qui repose sur la discussion. Aussi, le jury est souvent plus sensible au raisonnement exposé qu’à la solution donnée. Mais encore faut-il que ce raisonnement s’articule autour de connaissances juridiques sérieuses permettant au jury de se convaincre que les fondamentaux des matières au programme sont maîtrisés. Pour bien réussir un oral, comme du reste une épreuve écrite, il faut bien se préparer en révisant sérieusement, car des matières aussi techniques ne s’improvisent pas. Mais l’avantage de l’épreuve orale est que le jury peut mettre sur la bonne voie un candidat qui s’égare et tester par la discussion ses aptitudes et connaissances.

Photo Jodyhongfilms

Claire Michel : Souhaitez-vous partager une anecdote marquante vécue en votre qualité de membre titulaire du jury de l’examen professionnel, qui guiderait les candidats sur la voie de la réussite ?

Philippe Hoonakker : Pour illustrer le propos qui précède j’aimerais évoquer le cas de cette candidate qui s’était lancée dans un exposé sans grand rapport avec la question posée, qu’elle n’avait manifestement pas comprise. Je l’ai alors interrompue pour éviter d’aller à la catastrophe et dans la discussion elle a compris son erreur. Comme elle était très bien préparée, elle a réussi à improviser une réponse construite et structurée qui lui a valu une bonne note malgré son mauvais départ. C’est tout l’avantage des épreuves orales, mais encore faut-il être prêt car les connaissances ne s’inventent pas, elles s’acquièrent par un travail assidu et régulier.

Claire Michel : Je reste marquée par la qualité de vos cours magistraux à l’Université de Strasbourg et par votre livre de référence qui est recommandé aux élèves par plusieurs enseignants et commissaires de justice. Je vous ai rencontré à l’occasion de mon épreuve du « grand oral » de l’examen professionnel d’huissier de justice et j’ai apprécié nos échanges enrichissants. Je vous remercie, au nom des élèves commissaires de justice qui lisent mon blog, d’avoir pris le temps de nous répondre.

Note : j’ai ajouté les liens vers les références évoquées par Maître Hoonakker dans ses réponses, pour que tu puisses aller plus loin si tu es intéressé-e.

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